Je lis très peu de poésie (voire pas du tout), mais le premier roman de Maggie Millner m'a interpellé. Les articles qui en disent beaucoup de bien se sont multipliés outre-atlantique (notamment dans le Washington Post, dans Vogue et dans le New York Mag), j'ai donc décidé de me jeter dessus. Et j'ai plutôt bien fait.
En quelques mots, Couplets raconte l'histoire d'une jeune femme, un double pas tout à fait fictif de l'autrice, qui quitte son mec pour se mettre en couple avec une femme (I saw a person who kissed mostly men / wrote poems in the prevailing style / owned a cat. / I saw a different person after that / and before, I saw a little girl.) Ce qui permet à Millner d'aborder plusieurs thèmes à la fois : l'amour, le coming out, la sexualité, le BDSM, le désir et le couple. Le tout dans un style à mi-chemin entre l'exercice de style et l'écriture automatique.
Chaque "chapitre" est composé d'une série de pensées qui riment. Ce qui, il faut bien l'avouer, ne facilite pas tout à fait la lecture quand on n'est pas un grand habitué comme moi. Avec ses phrases découpées, Millner impose un rythme qui m'a fait penser à des jeux vidéo comme Guitar Hero ou Beat Saber. Si on n'est pas concentré, on passe complètement à côté et on est vite dépassé. Mais une fois qu'on parvient à se caler sur le bon rythme, l'histoire devient encore plus intéressante. Les pages s'enchaînent et l'histoire de ce couple naissant mais fragile devient plus palpitante.
Couplets a terriblement résonné en moi. Les thèmes abordés me parlent, et j'ai passé autant de temps à lire le livre qu'à le surligner. D'autant que Millner a un don pour transformer le banal. Ce n'est pas pour rien si tous les articles qui parlent du livre citent en exemple celui du lit IKEA (j'ai conservé la mise en page, ce qui donne une idée du découpage) :
Everyone had the same Ikea bed.
She tied my wrists to hers, above my head.
(She liked what she called clean lines, I would learn;
her major had been architecture.)
Sometimes when I lay there, waiting, bound or free,
I’d envision its assembly:
the tiny standard-issue wrench that torqued
the socket of the bolt, drawing the particleboard
flush against the rails. The hundred screws.
The greasy crossbar with its queues
of stapled slats. The wooden dowels,
which had seemed too large to fit their holes,
that gently she’d forced in. The plastic pegs.
The vinyl footboard, trussed between the legs.
Comme quoi, à ma grande surprise, la poésie peut être moderne et sexy. Je ne sais pas si le livre sera traduit en français (bonne chance à la personne qui sera en charge de cette traduction). Mais en attendant, je ne peux que vous conseiller Couplets. C'est court et intense. Et ce n'est pas tous les jours que de la poésie rivalise avec des romans plus "classiques."
"This is the sentimental stuff, they’ll say, of homo Homo sapiens in love."
Couplets, de Maggie Milnner. Disponible chez Farrar, Straus and Giroux.