Quelques mois après l'excellent "Nom", Constance Debré est de retour avec Offenses, son nouveau roman (sa trilogie Play Boy, Love Me Tender et Nom était plus de l'ordre de l'essai). Et c'est une fois encore une véritable claque.

Dans Offenses, Debré ne parle plus d'elle, mais se concentre sur une histoire (fictive) d'un crime sordide. Celui d'une grand-mère, abandonné par sa famille et par la société, et de son tueur, un jeune paumé... abandonné par sa famille et par la société.

Le roman, très court, permet une lecture rapide et intense. On enchaîne les pages, où chaque phrase fait l'effet d'un coup de poing. Car ici, il n'y a pas de gentils ni de méchants. Debré prouve, en quelques mots, que la vie ce n'est ni tout noir, ni tout blanc. La preuve avec ses "protagonistes", un mec paumé mais qui était le seul à aider cette grand-mère abandonnée. Et cette grand-mère, presque méchante, que personne n'aimait. Même pas ses propres enfants. ("Lui qui l’avait tuée avait été le seul à parler d’elle avec bonté, oui permettez-moi de parler de bonté.")

À travers la rencontre, pour ne pas dire la collision, entre ces deux personnages, l'autrice peint le portrait d'une "France d'en bas", une France "lourde d’être pauvre, lourde de toute sa vie minable." La France où on fume et on boit pour oublier un quotidien gris. La France où on vole pour manger à sa faim. La France où on tue pour une somme "dérisoire".

"Il tue pour quatre cent cinquante euros. C’était ce qu’ont dit les journaux. Comme si pour un million ils auraient mieux compris."

Ancienne avocate, Debré sait mieux que personne raconter l'horreur d'un procès, la violence d'un tribunal. Surtout quand le coupable est un "petit" face au "grand" juge qui le regarde forcément de haut. "C’est ce qu’il faut des juges comme lui, spécialement sélectionnés pour ne pas savoir ce qu’est l’injustice, le manque d’argent, les vies à la con, c’est organisé pour, sinon ils ne pourraient pas juger, sinon il n’y aurait pas de justice."

Malgré la violence du meurtre, l'autrice, elle, ne juge pas le tueur. Elle se met à sa place. Cette place dont personne ne veut, mais qui nous assure, à nous (je m'inclus dans ce groupe), un quotidien entre deux. Entre la richesse et la pauvreté. Un quotidien "banal", où ces "faits divers" passent devant nos yeux, diffusés comme une série sans fin, et qu'on oublie dès qu'un autre le remplace.

"Pour tout paradis un enfer. Pour que votre paradis existe il faut un enfer derrière, notre enfer. C’est comme ça que les choses marchent. Vous vivez de notre damnation. La loi c’est ça. La loi c’est la limite entre le paradis et l’enfer, mettez le purgatoire où vous voulez. Nos histoires de deals, et nos enfances placées, et l’école qui ne sert à rien, et nos appartements en IF, et nos villes laides, et toute la dureté, et les gardes à vue, et la prison, et nos vies pathétiques, ça doit se calculer combien de pauvres il faut pour un riche. Pour une vie normale, combien de prisonniers, combien de types sous médocs et sous allocs. Combien en dessous du seuil de pauvreté pour combien au-dessus. Combien de types en hôpital psychiatrique. Combien d’éternités comme les nôtres pour une heure de vos vies. Une heure avec une femme qui vous aime. Une heure avec vos enfants bien élevés. Une heure dans une ville qui ne soit pas laide. À la terrasse d’un café. Une heure avec vos livres. Une heure à travailler parce que votre travail vous élève quand le nôtre nous abaisse."

En 128 pages, Constance Debré dit beaucoup. Et comme c'était déjà le cas avec ses précédents livres, Offenses reste longtemps en tête.

Offenses, de Constance Debré. Disponible chez Flammarion depuis le 1er février 2023.

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